Syliam-Fowx

Le renard qui possèdait une lettre en trop

Dimanche 1er août 2010 à 17:25



Ce n'était pas très grand. J'y tournais en rond. D'une certaine échelle, c'était même vraiment petit. L'univers est tellement ici qu'on ne devrait jamais avoir à tourner en rond. Mais c'est le propre de l'homme. Il tourne, tourne, et chaque fois il croit avancer mais ce n'est qu'un cercle différent. Le différent humain est simple à combler : une vision différente, une lumière différente, une hypothèse différente, une sensation (et seulement sensation) de pensée différente, et le voilà qui s'invente un chemin dans sa roue. Seulement ici, c'était peu libre, même et surtout d'un point de vue imaginaire, et l'on m'avait imposé un cercle. J'avais tenté de longer les murs mais cette sensation de droiture ne me plaisait guère. L'homme n'aime pas qu'on lui dicte son chemin, même si c'est ce qu'on lui fait toujours, mais cela est un secret. J'avais donc repris mon cercle et parfois j'entamais un somme. Je m'allongeais et j'étais comme une surface d'eau, on aime à se comparer à l'insaisissable. Je dormais et je rêvais que je rêvais, je ne rêvais pas réellement, enfin, rêver réellement n'est qu'une illusion, disons qu'ici on avait interdit à mes rêves d'exister, il valait mieux pour moi ne pas parler de rêve, alors je rêvais de faux rêves, ou je les refoulais. Mon imagination, j'en avais fait un cube, parce que la laisser gambader, c'était se perdre. L'autoriser à quitter cette grille de fer, c'était trop espérer, est-ce que j'avais envie d'avoir de l'espoir? Non, je ne voulais pas mourir. C'est fou ce que mes pensées me désobéissaient, j'aurais voulu les écrire pour les faire fuir, mais même ça ne faisait pas partie de mes droits, en fait, j'avais juste le droit de vivre. Je m'imaginais alors être un f½tus, ce futur penseur qui aimerait songer mais qui ne connait rien, je m'imaginais en être un, c'était une façon comme une autre de contraindre mon esprit au néant, le néant le plus restreint qui soit. Ca ne marchait pas parce que je pensais à ma mère, et surtout au fait que je ne la reverrais jamais, c'était ça mon objectif, oublier ce que je devrais quitter pour n'avoir à regretter que le fonctionnement de mon coeur, et ça, c'était franchement moindre à regretter. J'observais les murs gris et je me disais, quelle belle couleur. Il me suffisait de changer ma vision du beau en fait. Ces murs étaient reposants et froids, et c'était ça ma nouvelle façon de trouver la vie belle. Je comptais ces traits sur les murs, que de minables avaient tracés. Est-ce qu'ils comptaient les jours qui les éloignaient de leur naissance, ceux qui les rapprochaient de la mort, ou simplement le vieillissement de la Terre? C'est en comptant les jours que le temps passe, si on cessait, on verrait juste le soleil se coucher, et on se dirait, vivement l'aube, vivement ces rayons, on arrêterait de penser qu'on a un âge, parce que c'est un symbole typiquement humainement imbécile. On briserait tous les sabliers, et chaque grain maudit s'envolerait au vent, on verrait un long chemin infini devant nous, c'est la raison qu'on se donne qui nous fait mourir, le temps est invention. On casserait chaque rouage d'horloge, parce qu'elles prouvent bien que tout est trop mécanique. Même ici tout ce que j'observe c'est la vie couler en moi, et j'ai peur qu'elle ne le fasse plus bien sûr, mais je n'ai pas peur de la courbe de mon dos, de ma peau qui m'abandonne, je n'ai pas peur de l'abandon d'ailleurs. Quelques-uns ont gravé des prénoms, aussi inutiles que des formules mathématiques, aussi désespérés qu'un sourire, à moins qu'ils vivent ailleurs ce mur ne leur a jamais répondu de toute façon. Parce que malgré tout, il fallait garder les pieds sur terre, les étoiles m'avaient pas encore emmené dans leurs branches, et quand je dis pas encore, je sais que je pourrais le dire toute ma vie. Le plafond était trop bas pour qu'une étoile s'y aventure, ça je le savais bien, sa lumière était si grande qu'elle n'aurait pu éclairer cette cellule, car la grandeur ne s'occupe pas du petit, tout au mieux du moyen pour se donner bonne conscience. J'aurais pu faire pitié mais je n'étais pas fait pour ça, je veux dire, je n'en avais pas la moindre envie. J'étais jeune, et fort, et fier. La dignité m'habitait même si je savais que je n'étais rien, ceux qui auraient pu m'aider l'étaient également, alors je préfère ne pas vivre au dépend de ces riens et continuer à l'être. Je préférais survivre que de vivre au dépend de. Enfin, je n'en avais plus pour longtemps. J'aurais pu hurler que j'étais innocent, mais est-ce que je l'étais? Non, bien sûr que je ne lui avais pas retirée la vie, mais l'on n'est innocent de rien. C'était tellement marrant d'être pris pour quelqu'un d'autre, tellement jouissif, ça démontrait tellement notre petitesse. Et puis franchement, condamner un homme ou condamner un homme, quelle différence? L'idylle serait de ne juger personne, mais c'est une idylle inhumaine. Ce cercle-là, nommé Justice, il soulageait mille fois les humains, et moi dedans, je trouve ça trop drôle. Pourquoi est-ce qu'il faut un coupable à chaque geste? C'est tellement la preuve que l'homme n'est pas croyant... Je ne l'étais pas non plus d'accord, mais au moins je me suis demandé à quoi servait le jugement d'un homme. Même sans le vrai coupable, ils étaient contents d'eux. C'était ça la fierté de l'homme. Rabaisser l'autre, lui dire tu es dans le mauvais chemin, ce qui insinue qu'on est dans la bon, c'était quoi ces idioties, de bien, de mal, de liberté, de raison?

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