Syliam-Fowx

Le renard qui possèdait une lettre en trop

Dimanche 1er août 2010 à 17:07



Quand vient la nuit, quand vient la nuit...
Il m'envahi. Si vous saviez, si vous le sentiez, vous pénétrer, vous accaparer, vous prendre comme si ces bras vous forçaient contre une surface dure d'où l'on ne s'échappe. Le chant des oiseaux cessent et je tremble. J'ai conscience, voilà le pire, avoir conscience, puis, ne plus l'avoir. Se connaître mais ne pas se contrôler. Car Il vient, Il arrive, inévitablement, et chaque pénombre le sauvegarde de sa destruction. Il est discret, la Lune est son ami, son astre lumineux, Il ne connait le Soleil non, Il ne s'aventurerait pas si tard.
Quand tout est noir, quand tout est noir...
Je perds espoir. Mais pas seulement cela, puisque, je me perds simplement. Il ne reste plus que mon corps, ce corps qu'il violente, Il y rentre par les voies psychologiques de mon enfance, pourquoi suis-je savant le jour, pourquoi ne sais-je pas rêver la nuit, pourquoi suis-je ce monstre? Je suis cet homme que le cri du loup secoue de violents instincts, je suis, je suis le Mal à l'état bestiale de l'être. La noirceur du ciel éveille celle de mon âme, il n'y a de répit quand la nuit vient, non, pas pour l'humain que je représente.
Quand s'éteint la flamme, quand s'éteint la flamme...
Je sors la lame. Un homme à livres le jour. Un homme armé la nuit. Un homme? Un animal, aussi sauvage que ceux du ciel. Ma pupille, plus vaste et plus profonde que tout ce que pourrait refléter un miroir, enfoncée trop loin dans les profondeurs des enfers pour qu'on n'ait peur, rien qu'à sa vue, on mourrait, et on meurt, on meurt, parce que ma lame d'argent les transperce. Je suis Lui, je suis Edyh, Edyh la légende inconnue, celui qu'on nomme en chuchotant, la terreur souterraine qu'on souligne dans les journaux. Il y a dans le silence des rues mon ½uvre, il y a dans ces étroits passages de béton ma signature, je les connais autant que l'anatomie des victimes, il faut, la personne, mais aussi la scène... tout doit être parfait.
Quand crie le mort, quand crie le mort...
Edyh soulage son corps. Et moi, au fond, j'hurle de douleur, comme si je décédais mille fois plus intensément que cette malheureuse étalée dans l'égout. Pourquoi Edyh fait-il cela? Edyh, pourquoi... Non, tais-toi, tu n'es... Je suis Edyh, et je suis l'assassin des étoiles, je suis le poète sanglant, je suis l'amateur de chant mortuaire. Quitte-moi, tue-moi Edyh, je t'en supplie. Prend mon corps frêle et laisse-moi m'envoler. Tais-toi, tais-toi! Tu m'appartiens, et tu continueras ta besogne! Pourquoi faut-il qu'elles crient si fort lorsqu'elles meurent... Pourquoi faut-il que leur sang s'étale si pourpre sur mes doigts... Pourquoi est-ce qu'Edyh s'égosille de plaisir? Pourquoi est-ce que mon esprit est coincé dans cette mince prison en attendant le jour?
Quand vainc le Mal, quand vainc le Mal...
Edyh n'est qu'animal. Je le hais. Bien sûr que non, tu m'aimes, et tu m'aduleras toujours, parce que je te sauve, je te libère de toute ta colère. Tu les détestes, n'est-ce pas? Tu voudrais leur cracher dessus, derrière tes minables verres de lunettes suspendues sur ton nez qui ne sait que renifler salement, tu voudrais les insulter de ta voix niaiseuse et monotone. Tu voudrais ne rien découvrir parce que la science t'insupporte, tu voudrais juste... tuer... Laisse-moi poursuivre cette exécution de ton désir. Non, Edyh, regardez, lisez ce que j'écris, pour une fois, s'il vous plait... Ecoutez ma plainte, il me retire la vie chaque nuit un peu plus. J'entends sa voix qui engloutis la mienne, comme s'il fallait que son importance efface celle que j'espère avoir en ce monde. Ils ne m'attraperont jamais, parce que je ne me dénonce pas, et Edyh leur échappera toujours, oui, et il me possèdera jusqu'à la fin. Je le hais, je l'hais, je l'haime, oui, je l'aime...
Quand se lève le jour, quand se lève le jour...
Je redeviens sourd. Sourd de ces ordres, sourd de ces meurtres... Il faut oublier, et continuer. Respirer, cet air qu'on a empli de sang. Dire bonjour à ces dames, ces dames qu'on abandonnera sur le trottoir. Il faut nettoyer sa veste de velours foncée par le sang, durcie par les molécules vitales séchées et agglutinées, il faut vérifier qu'on n'a rien sous les ongles, nettoyer ses souliers de cuirs, passer sous l'eau ses binocles éclaboussées, il faut frôler ces trottoirs où Edyh a tué en empruntant son propre corps. Saluer ces maris qui ont perdu leur femme, et puis travailler... Faire survivre ce coeur qui retient prisonnier en lui la nuit, qui frissonne à chaque coups que sonne l'horloge. Se répéter son prénom, se persuader de n'être qu'un. Vivre.
Quand vient la nuit, quand vient la nuit...

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