Syliam-Fowx

Le renard qui possèdait une lettre en trop

Dimanche 1er août 2010 à 16:57



C'était le trois juillet deux mille dix. Je pénétrais la ville de Dinant. Dinant; ce nom que j'avais écris afin d'y expédier des lettres. Des lettres amoureuses. C'était si loin de chez moi... J'avais observé déjà tant de fois la ville, en photo, en carte. Je savais qu'un jour j'y serais, qu'un jour l'eau du fleuve palpiterait, que l'église résonnerait et que les oiseaux chanteraient. Je le savais mais j'ai frissonné. Je réalisais quelque chose, mais je ne savais encore si c'était un rêve ou un cauchemar. J'avais peur d'être heureuse ou malheureuse, j'avais peur qu'elle apparaisse, je n'osais pas regarder, je détournais les yeux sur le sol, et je priais pour qu'on ne me voit pas. Je voulais continuer d'appartenir à mon monde, mais j'étais d'ore et déjà dans le sien, et c'est tout comme si elle était partout. Je regardais les autres et je la voyais, je pensais, peut-être les a-t-elle déjà croisés? Peut-être a-t-elle déjà effleuré ce sol là, ou là, peut-être a-t-elle déjà posé son regard ici... Mes mains tremblaient sur mon téléphone, je devais lui dire, que j'étais là, pour qu'elle m'intègre à son univers, je devais lui dire, pour qu'elle sache. Pour qu'elle vienne à moi... J'ai attendu, je crois que les secondes furent des jours, j'ai vécu trois vies cette heure-ci, mon esprit se vidait puis se remplissait, d'émotions diverses, d'imaginations burlesques, de vérités non établies, d'amour peureux et d'amour heureux. Je suis sortie et le vent a bouleversé mes cheveux, je me tenais droite, j'allais vivre et mourir bientôt. Chaque passage me semblait la contenir, j'observais mais seulement du coin de l'oeil, peur de voir vraiment, peur de la réalité. Ce n'est pas moi qui l'ai vue, je ne l'aurais pas vu, parce que je ne le voulais pas. Si, je le voulais. Non... Je ne sais pas, ce n'est pas moi c'est tout. Lorsqu'on me l'a dit j'ai levé la tête, doucement, je crois que mes yeux étaient ronds, je crois que j'étais rouge, je crois que j'avais les mains moites, je crois que mon coeur provoquait une multitude de palpitations visibles, je crois que mon esprit était perdu... Elle est arrivée, et j'ai su. Les couleurs m'ont envahie, je l'ai vu se déplacer en ma direction, elle était si belle, elle était si gracieuse, sa veste prenait le vent et le partageait avec ses cheveux, ses cheveux noirs infini, ses pas légers mais certains, elle venait et c'est tout comme si ce fut moi qui voyageais. Je n'ai pensé à rien, dans ma tête se répétait juste : Elle est là, elle est là, elle est là. Il fallait que je prenne conscience, sans ça j'aurais été sous le choc. Je lui ai embrassé la joue, j'ai senti ses cheveux, je l'ai regardée, elle était belle, belle, belle... Elle m'a sourit, j'étais paralysée et anesthésiée, mes yeux étaient flous et mon ouïe indécise, je crois qu'elle m'a parlée, non, je le sais, mais que disait-elle? Son sourire m'éclaira de cette lueur qui depuis n'assombrit plus la nuit. Elle a les lèvres si fines qu'elles font de son visage une fragilité constante, elles ont la douceur divine que mon effleurement a pu goûter, et j'en rêve, j'en rêve... Quand elle touche mes doigts je me sens respirer d'un air pur et grand, c'est comme si le plafond du ciel ne m'oppressait plus, je lève la tête et les nuages me semblent plus haut que jamais, le monde est immense et mon amour existe. Elle a les doigts fins et longs, les ongles blancs et brillants, chaque parcelle de peau une gourmandise tactile, elles sont douces, douces... Quand je la regarde j'aimerais être le vent qui la caresse, la bouscule; l'air qu'elle inspire, qu'elle expire; le sol qui l'accueille, qui la cueille; les sons qui la ravissent, l'envahissent; les paysages qui l'entourent, l'enlacent; j'aimerais plonger dans ses yeux et y vivre une nouvelle vie, où son murmure me traquerait jusqu'à la fin des fleurs. Dans ses bras il est vrai, j'oublie tout. Je ne pense pas à être raisonnée, je ne pense pas à l'âge, mes gestes, je ne pense pas à la normalité, je ne pense pas aux guerres retentissant plus loin, je n'entends plus que son souffle et le mien, ma main parcourant ses épaules et ses hanches. J'arrive tout juste à respirer, j'ai juste envie d'elle, de rester comme ça une éternité, elle me sert et je me sens moi, je me sens vivante. Ce fut la première fois, ce jour-là, où j'ai su que je vivais, j'ai su ce qu'était le bonheur, et toute mon ancienne survie n'était plus qu'impalpable.

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