Je devais le tuer. Je devais la tuer. Nous étions destinés à nous entretuer. Je l'aimais, et il m'aimait. Aujourd'hui, encore. Seulement, je devais la tuer. Notre grande maison emplie des enfants que nous n'avons jamais pu avoir, sera la terre de meurtre. De son meurtre. Nous n'avons jamais fait qu'un, c'est faux. On se repoussait, on s'éloignait. Trois étages, un nous séparant, un vide. J'ai décidé de le tuer. J'ai décidé de la tuer. Il était tendre mais pas moi. Elle était douce mais pas moi. Ce n'était pas une pulsion, c'était tout réfléchi. Depuis le début, on le savait. Quand je lui ai dis oui, j'ai pensé mort. Quand je lui ai dis oui, j'ai pensé non. Mais je l'aimais, comprenez. Je ne refoulais pas ça. Je savais juste. Qu'elle allait finir ainsi, tuée, de mes propres mains. Lorsqu'on s'est rencontrés, j'ai su que ma survie dépendait de sa mort. Lorsque je l'ai vue pour la première fois, je la voulais morte en moi, morte pour moi. C'était l'amour le plus intense possible, elle m'arrachait tout ce qu'en ma mémoire j'avais conservé, pour le remplacer par sa vision, sa voix, son toucher, ses propres souvenirs. C'était insupportable. Parfois je me levais, la nuit. Et je m'approchais de lui, un couteau à la main. Il respirait fort, ça résonnait dans mon esprit, c'était trop bruyant, c'était lui, c'était tout dans ma tête. Je voulais qu'elle en sorte, l'oublier. Je devais la tuer. Mais je reculais, je retournais minablement dans la cuisine, emplie de ce qu'il avait mangé, pleine de ses déchets, chaque pièce me rappelait sa personne. Je reposais l'arme, et puis je pleurais. C'était trop grand pour moi, tout cet amour. Libère-moi... je lui murmurais à l'oreille. Ses yeux clos se moquaient, je le savais, il m'entendait, pourtant. Elle était là, et si je ne la tuais pas, je savais que ce serait pour toujours. On ne pouvait pas s'éloigner. Rien ne nous séparait. J'étais lui. Elle était moi. Mais nous étions deux, et nous avions peur. Il ne pensait pas comme moi, mais il constituait mes pensées. On ne pensait pas pareil, mais on pensait à l'autre, et à rien d'autre. Lorsqu'il me prenait dans ses bras, j'étais seule. J'étais enfin seul. Lorsqu'il n'y avait que moi, je n'étais rien. Ni moi, ni seul, ni personne, ni quelqu'un, ni prénommé, ni elle. Je voulais que mon nom et mon âge soient les miens, je voulais me retrouver, comme avant. Je devais en finir, et rien ne pourrait me faire changer d'avis. Nous le savions. J'aurais pu mourir, mais c'était elle la coupable. Pourquoi aurais-je mis fin à mes jours? Je voulais connaître la vie, qu'elle cesse, qu'elle me quitte, qu'elle soit morte. Ce jour-là, nous nous sommes aimés comme jamais. Ce jour-là, toute ma personne a disparu, pour n'être plus qu'elle, plus qu'en elle. Je l'aimais mais pas d'amour. Je l'aimais de mort. Pour la mort. Alors, j'ai quitté les draps. Il s'est levé, j'ai plongé ma main dans le tiroir. Ce qu'on venait de vivre, était bien plus que paradisiaque. Je lui en voulais. J'ai saisi le couteau par la lame. J'ai pris le couteau de cuisine, le même, que celui de ces longues nuits à viser mentalement sa gorge. Je suis remonté, au premier étage, le seul où nous nous retrouvions, notre chambre. Je l'ai entendu gravir les escaliers, son corps léger plein de grâce, c'était tout comme si je vivais en lui, je connaissais par c½ur chacun de ses mouvements, le moment où il caresserait de son index le mur de gauche, celui où il tournerait la tête vers notre portrait de mariage, et ce ne fut jamais autrement. Je savais tout. Sa tête penchée vers la droite, son corps soutenu par son coude, sa jambe gauche légèrement repliée en dessous de l'autre, son dos courbé gracieusement. Je savais, que lorsque j'entrerai, elle serait ainsi, et ce ne fut jamais autrement. A part peut-être ce sourire. Inhabituel. J'ai senti ma peau se hérisser, j'ai passé ma langue sur mes lèvres, j'ai serré les doigts sur le manche, dissimulé sous les tissus. J'étais un félin. J'allais bondir. J'allais revivre. J'allais le tuer. J'allais la tuer. Il n'a rien dit, il a pénétré la pièce, son corps nu scintillait dans l'obscurité. J'avais encore envie de lui, comme toutes ces fois, cette envie de mettre fin à ses jours sans parvenir à empêcher ma main de parcourir sa peau. Tout allait finir, et pourtant elle était si belle, oui. Et si je gardais une mèche de ses délicats cheveux? Non, ne pas se poser de questions. Il se rapprochait. J'étais au bord de la couche, mes genoux tout contre le matelas. Il me regardait de haut, sans se douter qu'il allait tomber à mes pieds. Elle se prélassait, sans se douter qu'elle allait tâcher de rouge la blancheur. Son regard pénétrait le mien. Pour la première fois, je ne fus pas déstabilisé. Ma main ne tremblait pas non plus. Non, je n'avais pas peur. J'allais être heureuse. J'allais renaître. Ce oui se perdrait à tout jamais dans les limbes de ma mémoire. Seulement un souvenir. Un souvenir. Un mauvais souvenir? Non, ne pas se poser de questions. J'ai pris une grande inspiration. J'ai sorti l'arme de derrière mon dos. Je n'avais même pas vu, sa main dissimulée. La sienne non plus. J'ai frappé, dans le ventre. Dans la poitrine. Encore. Encore. Encore. Encore... Il était mort. Elle était morte. Un dernier regard. Ses lèvres entrouvertes d'où jaillissaient le sang. Qu'il était beau. Qu'il était mort. Je ne sentais plus rien. Mes doigts paralysés ont lâché le couteau. Mon cou s'est raidi sur l'oreiller. Il ne restait plus rien de moi. Non, plus rien... A part mon amour.
Syliam-Fowx
Le renard qui possèdait une lettre en trop
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